Jagaan de Kaneshiro Muneyuki et Nishida Kensuke

Shintarô Jagasaki est un policier de quartier vivant une vie ennuyeuse. Toujours souriant, il s’imagine tirer sur tous ceux qui l’énervent. Il vit avec une jeune femme qui souhaite l’épouser mais rien ne semble le combler. Suite à la pluie de grenouilles sur la ville, certains humains commencent à perdre la raison, devenant des monstres à l’image de leurs désirs : les détraqués. Choisi par l’étrange chouette Doku-chan, Shintarô devient Jagaaan, l’homme détraqué à la gâchette facile. Sa mission : tuer les détraqués et récolter les grenouilles qui les infestent. Pour cela, son bras se transforme en arme de pointe. C’est alors que sa petite amie est infectée à son tour. Jagasaki doit aller l’éliminer s’il veut survivre.

Ce manga pour adulte est un mélange de policier, science fiction et érotisme. En effet, celui ci est conseillé aux lecteurs avertis à partir de 16 ans comme il contient nombre de scènes de sexe très explicites. Exit la censure et les pixels. S’il n’y avait pas ce coté cochon, j’aurais volontiers comparée l’œuvre à One Punch Man pour son coté humour déjanté et héros blasé.

Malgré ce coté un peu ras des pâquerettes et son action violente, le scénario repose sur un questionnement fondamental. Tout d’abord, il se demande qu’est ce que la justice ? Est-elle quelque choses d’universel ou plutôt de propre à chacun ? Car chaque personnage, qu’il soit présenté comme un malfrat ou un héros, a ses propres raisons pour agir. On le voit par exemple dans le cas des deux humains chenilles qui sont devenus des détraqués par choix et par vengeance : durant leur jeunesse, il étaient persécutés par des étudiants riches et souhaitent leur rendre la monnaie de leur pièce. Pour Jagasaki, l’essentiel réside dans le respect de la vie, quelque soit sa forme. Mais pourra t il respecter cet idéal face aux détraqués ?

Autre gros pilier de l’histoire : la solitude. Chaque personnage se sent terriblement seul. Que ce soit Jagasaki qui n’arrive pas à se fixer amoureusement, son patron qui a perdu son fils, ou surtout le personnage de Airi. Petit aparté sur ce personnage intéressant : Airi est une étudiante splendide, courtisée, entourée d’amis. Elle attise la jalousie d’un livreur de pizza qui, grâce à ses pouvoirs de détraqués, prend possession de son corps pour expérimenter tout cet amour qu’il n’a jamais vécu. De nombreuses scènes sont vécues à travers les yeux d’Airi qui partage ses sentiments et réflexions avec le lecteur. Autant détestable qu’attachante, Airi est profondément humaine. Elle en vient à conclure que le physique influence toujours la personnalité. Et elle se questionne sur qui est on si on fait abstraction de notre sexe et de notre apparence ?

Cette citation du tome 10 résume bien son histoire : « Les êtres humains sont les héros pitoyables de leur propre histoire… dont ils sont prisonniers ».

Chaque personnage, héros ou antagoniste, est confronté à des choix difficiles qui sont influencés par son vécu et ses croyances. Très réaliste tout ça, alors qu’on baigne en plein délire de science fiction !

D’autres sujets sont également abordés comme la morale, l’intérêt ou le « sens » de la vie, les notions d’héroïsme ou d’égoïsme, l’usurpation d’identité, l’amour, les réseaux sociaux et de leur influence, le besoin de reconnaissance…

Les dessins sont agréables, détaillés ou dynamiques selon les besoins scénaristiques. Le rythme est bien découpé entre chapitres d’action-baston, moments plus introspectifs ou scènes humoristiques.

Ce manga est une réussite, même si ce n’est pas un coup de cœur. Il m’a surprise à bien des égards avec son humour spécial, son ton décalé, sa violence, et mérite qu’on se penche sur la lecture.

Informations supplémentaires : 14 tomes noir et blanc publiés chez Kazé en France – 7,99 euros chaque tome

Mini site éditeur : http://minisites.kaze.fr/jagaaan/